Mais qu’est-ce qui nous arrive ? Quelle folie s’est emparée de nous ? Tendez l’oreille et vous vous rendrez compte du fléau qui s’abat sur nous telle une nuée de sauterelles, une invasion de grenouilles.
J’ai nommé le tic de langage « du coup », la nouvelle affection buccale qui laisse les stomatologues démunis. Il est en passe de contaminer toutes nos conversations, toutes nos prises de parole, la moindre phrase, le plus petit assemblage de mots. On ignore son origine, le patient zéro court toujours. On peut affirmer en revanche que le virus se transmet par les airs, de machine à café en salle de réunion, de cage d’escalier en plateau télé, et de la cuisine au salon. L’espace public comme la sphère privée ont été infectés, en moins de temps qu’il n’en faut à Elisabeth Borne pour dégainer un 49.3.
« Du coup » est le plus vicelard des agents pathogènes. Il s’installe dans les phrases que d’autres occupaient avant lui, les « donc », « de ce fait », « par conséquent », « ainsi » ou « de la sorte ». Il les déloge insidieusement, l’air de rien, d’abord par intermittence, puis la cadence s’accélère. Pour finir, il prend toute la place et règne en maître dès que le sujet porteur a cette ambition folle de vouloir parler. C’est le moment où le locuteur tombe dans la dépendance, il lui faut sa dose, alors il aligne les « du coup » sans même s’en rendre compte. Son champ lexical se réduit à vue d’oreille, il n’est plus qu’une terre aride et désolée, un no man’s land sémantique.
Aucun traitement n’existe à ce jour. Pour briser la chaîne de transmission de la maladie, pour protéger les oreilles saines, une seule solution : le confinement verbal. Taisons-nous. #silence
Ch.R.
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