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  • christopheruaults

La dictée du diable



René Thimonnier, professeur de lettres et grammairien français (1900-1989), est l'auteur d'une dictée-piège d'anthologie, publiée pour la première dans le Figaro littéraire du 3 juin 1965 pour illustrer une interview sur ses recherches. Le signataire de l’article, faisant 21 fautes, qualifia cette dictée de « diabolique », d’où le nom de « dictée du Diable ». Et vous, combien de fautes auriez-vous faites ? Jugez par vous-même.


Les Français disputent à l’envi de leur orthographe. Qu’elle ait fâcheuse réputation, on n’en saurait douter. Qu’on n’en conclue pas qu’elle est illogique. Quelques problèmes qu’elle pose (et ils sont nombreux), quelles que soient les difficultés qu’elle soulève, quelque embrouillées qu’en paraissent les règles, elle n’exige qu’un peu de travail et de méthode. Les grammairiens ne se sont pas seulement donné la peine de la codifier : ils se sont plu à la rendre accessible. Quoi qu’on en ait pu dire, le travail auquel ils se sont astreints n’a pas été inutile. Les efforts qu’il a coûtés, les recherches qu’il a nécessitées ne doivent pas être sous-estimés.

Que ce soit ignorance ou laisser-aller, beaucoup trop d’élèves tombent sans remords dans les traquenards de l’écriture. On hésite maintes fois avant d’écrire les infinitifs accoter, accoster, agrandir, agripper, aggraver, alourdir, aligner, alléger, apurer, aplanir, aplatir, appauvrir etc. On s’embrouille fréquemment dans les suffixes : ceux par exemple d’atterrir et amerrir ; de tension et rétention ; de remontoir et promontoire ; de prétoire et vomitoire ; de vermisseau, souriceau, lapereau, etc.

Ce texte, où l’on n’a voulu citer que des mots du vocabulaire courant, montre que notre orthographe est souvent compliquée, voire ambiguë, sinon arbitraire. Mais elle est inséparable de la langue. Même les écrivains lui restent attachés. Ils sont pourtant, plus que d’autres, en butte à ses tracasseries, c’est-à-dire plus souvent exposés à tomber dans ses chausse-trapes. Quoi qu’en pensent ses détracteurs, elle est affaire, tout à la fois, de réflexion et de mémoire. Ses subtilités mêmes imposent une salutaire discipline. Quels que soient les efforts qu’elle exige, il faut bien qu’on l’acquière. N’est-elle pas, comme le dit Sainte-Beuve, « le commencement de la littérature » ?


On ramasse les copies. Résultat ?

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