Toujours bien inspirée, Arte rediffusait ce lundi l'excellent "Soleil vert" de Richard Fleischer, sorti en 1973, inspiré du roman d'anticipation de Harry Harrison. Ce polar futuriste nous offre une vision très sombre de notre monde, frappé par de multiples fléaux : pollution, canicule permanente, ressources épuisées, surpopulation, crise alimentaire, inégalités abyssales entre une caste de privilégiés qui peut vivre dans des appartements confortables et la masse des indigents qui s'entasse dans des dortoirs ou des escaliers. Le travail est devenu une denrée rare, les émeutes se règlent à grand renfort de pelleteuses et les plus âgés se remémorent avec nostalgie le temps où ils pouvaient encore manger une côte de bœuf ou une tomate. La population, miséreuse et affamée, en est réduite à faire la queue pour obtenir sa ration de "soleil vert", un substitut alimentaire sans odeur ni saveur. Jusqu'à la fameuse révélation finale qui nous donne le coup de grâce. Bref, c'est pas l'éclate sur terre.
Si l'on regarde aujourd'hui ce film avec une acuité particulière, c'est que son histoire se déroule...en 2022 (à New-York). Le revoir aujourd'hui en constitue une expérience d'autant plus perturbante. Car même si notre situation n'est pas aussi critique, épouvantable même, que celle dépeinte dans "Soleil vert", nous suivons une trajectoire qui nous y conduits inexorablement. Cela ne doit rien au hasard si le film a été tourné l'année où le rapport Meadows était rendu public. Le 3 mars 1972, un groupe d'experts réunis autour de Denis Meadows alertait sur les dangers qu'une croissance sans fin faisait courir à l'humanité, dans un rapport baptisé "Les limites de la croissance" et qui fit grand bruit à l'époque. C'était le premier cri d'alarme lancé pour la planète. Le visionnaire Richard Fleischer s'en faisait l'écho à sa façon, spectaculaire et implacable. Finalement, tout ce qu'on pourrait lui reprocher, c'est d'avoir situé l'action de son film 50 ans seulement après 1972 ; un peu trop tôt si l'on en juge à la réalité de 2022, moins désespérante qu'annoncée. Patience, car on fait tout ce qu'il faut pour rattraper notre retard sur les prévisions. Comme il est dit dans les bandes-annonces de blockbusters, « coming soon ».
Ch.R.
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