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christopheruaults

Quand la réflexion s'impose


Ils se sont gavés, les JT de 20H. Elles sont repues, les chaînes info. D'images de désolation, de vitrines brisées, de voitures incendiées, de magasins pillés, de tirs de mortiers dans la nuit. Pendant une semaine, la télé a enfilé comme des perles les témoignages d'habitants des quartiers effarés, de commerçants désespérés, d'élus désemparés, de policiers dénonçant l'extrême violence des émeutiers. Bien sûr qu'il fallait leur donner la parole, montrer l'étendue des dégâts, raconter l'embrasement dans toute son intensité. Mais en le faisant ad nauseam, en se complaisant dans l'inventaire des saccages, sans aller au-delà du constat, sans chercher à comprendre les causes profondes et anciennes de cette nouvelle explosion, on encourage le populisme et on ouvre un boulevard à l'extrême-droite qui se nourrit de nos peurs.


Attention, comprendre n'est pas excuser et ceux qui ont commis des déprédations doivent être sanctionnés à la hauteur de leur délit ; la loi est la même pour tous et la justice doit passer. Mais pense-t-on sérieusement qu'une réponse sécuritaire seule suffira ? Que couper les allocs aux parents ou les réseaux sociaux dès que ça chauffe règlera le fond du problème ? Que les mêmes causes conduisant aux mêmes effets, la prochaine bavure policière ne provoquera pas de nouvelles émeutes ? "Comment s'en sortir ?" titrait Libé lundi dernier, sondant les maux qui en 40 ans ont transformé les banlieues en une gigantesque poudrière : politiques de la ville mal orientées, inégalités sociales, chômage de masse, racisme endémique (dans l'inconscient collectif, ne faut-il pas être blanc pour être vraiment français ?), échec scolaire, business de la drogue, et tout ce qui touche en particulier à la police. Son rapport aux jeunes, les contrôles au faciès, l'abandon de la police de proximité, la formation des policiers, le statut de l'IGPN... (tirs après refus d'obtempérer : un mort en dix ans en Allemagne, un mort par mois en France). D'autres journaux de presse écrite se sont livrés à ce travail d'analyse, partageant des pistes pour mettre fin au cycle de la violence sans fin. Les JT de 20H et les chaînes info auraient pu montrer le même sens des responsabilités. Las, comme souvent, ils ont préféré jouer sur la corde de l'émotion, qui comme chacun sait est mauvaise conseillère. Plutôt que de toujours nous inciter à réagir, la télé devrait s'essayer parfois à nous faire réfléchir. Il en va de notre avenir commun.

Ch.R.

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