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  • christopheruaults

Les yeux dans les yeux



« Deux mains dégueulasses sur mes seins de 15 ans. »


Vendredi soir, Judith Godrèche a parlé avec force devant ses pairs du cinéma français lors de la 49e cérémonie des César. Un discours puissant, tout en maîtrise et en émotion retenue.


« Pourquoi accepter que cet art que nous aimons tant soit utilisé comme couverture pour un trafic de jeunes filles ? »


Un discours où la victime se faisait combattante.


« Il faut se méfier des petites filles, elles touchent le fond de la piscine, elles se cognent, elles se blessent, mais elles rebondissent. Les petites filles sont des punk. »


Mais ce qu'on retiendra avant tout, c'est qu'elle n'a pas hésité à interpeller l'assistance. « C'est compliqué de me retrouver devant vous tous ce soir. Beaucoup d’entre vous m'ont vue grandir, c'est impressionnant, ça marque. Dans le fond, moi je n'ai rien connu d'autre que le cinéma. »


Et vint ce moment où la comédienne prit son public à partie, le mettant face à ses responsabilités : « Depuis quelque temps, je parle, je parle, mais je ne vous entends pas, ou à peine. Où êtes-vous ? Que dites-vous ? Un chuchotement. Un demi-mot, ce serait déjà ça. »


Elle ne l'a plus lâché, le tenant fermement, par le regard et par la voix : « Je suis une foule face à vous, qui vous regarde dans les yeux ce soir. »


Telle une entraîneuse sportive, elle a rappelé au monde du cinéma le sens du collectif : « Dans ma rébellion je pensais à ces termes qu'on utilise sur un plateau : “silence”, “moteur demandé”. Cela fait maintenant trente ans que le silence est mon moteur. J'imagine pourtant l'incroyable mélodie que nous pourrions composer ensemble, faite de vérités. »


Puis elle l'a encouragé à aller de l'avant en sortant du déni : « Ça ne ferait pas mal. Juste des égratignures sur la carcasse de notre curieuse famille. Ce n'est tellement rien comparé à un coup de poing dans le nez, à une enfant prise d'assaut comme une ville assiégée. »


Ce discours était marquant parce qu'il impliquait directement l'auditoire. Le cri d'une actrice demandant à sa "famille" pourquoi elle avait détourné le regard quand des prédateurs s'en prenaient à elle, mais prête à lui pardonner pour peu qu'elle se décide enfin à protéger ses enfants.


Ch.R. 

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